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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/106

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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

vaient s’estimer trop heureux d’être asservis et massacrés par une race si supérieure !

Quant à Colomb, « les mers étaient lasses de le porter » et les continents n’en voulaient plus. Les puissants du monde se jouaient de ce vieillard radotant de fraternité et de justice. La vraie patrie des hommes, c’est leur désir, et le désir de cet apôtre ayant été si parfaitement déçu, il se trouva désormais sans patrie, errant sur terre et sur mer, battu par les flots, bafoué par les ouragans, insulté par les hommes, fracassé par toutes les forces révoltées de la nature, sans repos, sans gîte et sans pain, croûlant sous l’anathème universel de l’ingratitude comme s’il eût été le Caïn de l’innocence !

Parmi les destinées que le monde juge exceptionnelles, y en eut-il jamais une seule qu’on pourrait comparer à celle-là ? Et, puisqu’on présume la sainteté et qu’il s’agit maintenant, non plus d’une réhabilitation historique du grand Méconnu, mais de sa béatification et de sa canonisation, quelle autre voie que l’exceptionnelle pourrait-on prendre pour arriver à mettre sur les autels un homme dont la sainteté probable est comme un cri au fond des consciences et qui déborde, par l’inouïe singularité de sa vocation, toutes les catégories prévues dans les augustes décrets d’Urbain VIII et de Benoît XIV ?

Je raconterai plus loin l’accueil fait au projet d’introduction de la Cause par la Sacrée Congrégation des Rites, et je m’efforcerai de conjecturer avec respect ce qu’il y a lieu d’attendre, pour l’avenir, de cette vénérable juridiction. Je veux me borner pour le moment à reproduire dans sa forme interrogative une remarque singulière du Comte Roselly de Lorgues.