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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/176

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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

appelé par lui Terre de Grâce et arrivant à l’Espagnole malade et presque aveugle, trouve la colonie en pleine révolte et l’île entière sur le point dese soulever. « Sans trésor, sans armes, sans troupes, sans crédit, sans moyens d’action, ne pouvant plus obtenir l’obéissance et compter sur personne, il subit les menaces et les dédains de ses subalternes. Par surcroît, les haines du dehors viennent se joindre aux ennemis du dedans. Une escadrille commandée par Ojeda, l’agent de son mortel adversaire, a débarqué des troupes ; elles vont marcher contre sa résidence. Le chef des factieux, le trattre Roldan, doit s’unir nécessairement à elles, car il n’espère se justifier qu’en écrasant son bienfaiteur. Aucune illusion L’est permise devant cette situation désespérée. Aucune ressource du génie ne saurait y porter remède. La perte apparaît inévitable et imminente. D’où pourrait venir un secours ?

« Abattu et comme anéanti sous cette complication de maux, se rappelant l’ingratitude de la Cour, la malveillance constante du roi Ferdinand, voyant son autorité privée d’appui en Espagne et de respect dans l’île, se trouvant abandonné de chacun, dépourvu de toute force exécutive, sentant sa vie et celle de ses frères à la merci d’hidalgos intraitables, reconnaissant son isolement, l’impuissance qui en était la suite, déplorant le malheur des Indiens qu’éloignaient du christianisme les excès des chrétiens impies, Christophe Colomb éprouva uve grande saliélé des hommes.

« Alors, humiliée jusqu’à l’amertume, chancelante sous un tel poids d’afflictions, cette âme, qui avait toujours terrassé l’efroi, maîtrisé l’épouvante, assoupli le péril, fut gagnée d’une tristesse mortelle. La vaillance de Co-