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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/212

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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

à Dieu. En effet, jamais Dieu n’exigea autant d’un mortel en vue de desseins plus cachés et, jamais, depuis l’établissement de la loi de grâce, son action efficiente ne fut plus sensible. Au témoignage du protestant Washington Irving, « Colomb se regardait comme placé sous la garde immédiate de la Providence dans son entreprise ». Lui-même déclarait que « Notre Rédempteur lui disposa le chemin ». À son premier ; voyage, il prend directement, comme s’il l’avait déjà parcourue, la route la plus sûre et la plus commode pour arriver aux Antilles. C’est celle que suivent même aujourd’hui les navires à voiles. Trois cent quatre-vingts ans d’expérience n’ont pas permis aux navigateurs d’en découvrir une meilleure. Le grand Humboldt a constaté ce fait.

Tout, dans cette vie, porte l’empreinte de cetts espèce de nécessité mystérieuse qui faisait parler les prophètes et qui plie, au temps marqué, les hommes et les choses à l’accomplissement de leurs prophéties. Jusqu’à ce jour, Christophe Colomb, envisagé seulement comme inventeur, pouvait déjà paraître très grand à quelques unes de ces rares intelligences qui connaissent exactement la mesure humaine ; mais, lorsque l’Église lui aura donné le nimbe des Saints, le monde le verra tout à coup tel qu’il est et scra infiniment étonné de cette vision. En ce jour, la Mère des âmes manifestera d’une manière inaccoutumée sa puissance en restituant la majcsté lésée du Porte-Christ et la Barque de Pierre sera le vaisseau très sûr de la dernière pérégrination terrestre de ce « Messager des nouveaux cieux ».

Jusque-là, nous n’avons que son histoire, mais en est-il une plus cruelle, plus douloureuse, plus désespérément lamentable ? L’injustice a beau être tout hu-