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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/211

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LE SERVITEUR DE DIEU

cette cendre, que ce passé est très grand et que cette balayure de l’Éternité a un Nom que l’habitude de le prononcer a fini par rendre magique comme une formule évocatoire ? Ces détritus de l’arbre pensant qui doit reverdir un jour, retiennent, malgré tout, une si étonnante empreinte de la vie, ils profèrent à leur manière, une si formidable affirmation de leur essence, qu’on n’a jamais pu s’empêcher d’écrire sur les sépulcres des paroles d’immortalité. Humbles ou fastueuses, ces inscriptions veulent toujours dire que le décédé a été ceci ou cela plus qu’autre chose, qu’il est nécessaire que l’infini le sache et s’en contente et que c’est sur cette sentence lapidaire des hommes qu’il faut absolument que Dieu le rejuge à son tour. Mais, si les hommes jugent comme ils veulent, Dieu seul juge comme il peut et nul ne sait exactement ce que Dieu peut !…

La relation d’un pareil événement était nécessaire ici. Les chrétiens qui croient avec fermeté au Dieu vivant et à sa Providence, ont généralement regardé ce fait comme une sanction divine du magnanime projet de Pie IX. La certitude du lieu de sépulture de l’Amiral et l’authenticité de ses reliques font disparaître une des objections les plus graves à l’introduction de sa Cause. En même temps, cette découverte de la tombe inconnue du plus grand des hommes éclaire un peu plus, au profit de l’histoire, le rôle exceptionnellement sacrifié de ce Postulant toujours malheureux, qui ne paraissait pas avoir obtenu même une sépulture selon son cœur et qui vient à peine de commencer authentiquement le noviciat de son propre tombeau.

La destinée terrestre de Christophe Colomb fut marquée de ce double caractère : l’acceptation et l’abandon