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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/238

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LE RÉVÉLATEUR DU GLOBE

aux Doux devienne un jour son partage, mais en attendant qu’il ravisse le ciel promis aux Violents, il règne visiblement sur Gênes qui est à peine une terre et qui, sous un tel régime, ne deviendra sans doute jamais le ciel !

Dans des jours antiques et glorieux, la ville de Gênes, dominatrice des mers et rivale de la puissante Venise. avait à sa tête des Doria et des Spinola, des Fieschi et des Grimaldi. Alors, on faisait tout trembler. Le plus grand de ces hommes, André Doria, surnommé le Restaurateur et le Législateur de sa patrie, fut un instant redoutable à la France même. Sous de tels citoyens la moderne Carthage pouvait croire qu’elle allait aux astres. Elle allait simplement à l’invincible Sanguineti qui remplace pour l’instant les Doria et les Spinola, les doges populaires et les doges aristocratiques, et qui réunit sur sa seule tête de chanoine mitré les pouvoirs antiques d’Abbé du peuple et de Capitaine de la liberté.

Les annales de Gênes n’étaient pas assez glorieuses. Lorsque cette formidable République sans territoire battait les Sarrasins et les Maures, humiliait Venise et contrebalançait en Italie l’infernale domination des deux Frédéric ; alors même qu’elle se déchirait ses propres entrailles dans les terribles discordes classiques des Guelfes et des Gibelins, elle se souvenait encore du Vicaire de Jésus-Christ et le secourait, dit l’histoire, de son argent et de ses vaisseaux. Tout cela est bien changé maintenant. Gênes n’a plus besoin d’être fidèle et les fureurs écrivassières de son adoré chanoine suffisent à sa gloire. La patrie de sainte Catherine n’a pas plus besoin désormais de l’autorité du Souverain Pontife que de la sainteté de Christophe Colomb. Le chanoine dic-