Aller au contenu

Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

III

Ici, je demande la permission de parler du Diable.

Les mondains, généralement persuadés de l’inexistence du Prince de ce monde et à qui te travail est surtout destiné, me pardonneront peut-être cette digression nécessaire à l’intelligence de la mission de Chrislophe Colomb envisagée catholiquement.

La notion du Diable est, de toutes les choses modernes, celle qui manque le plus de profondeur, à force d’être devenue littéraire. À coup sûr, le Démon de la plupart des poètes n’épouvanterait pas même des enfants. Je ne connais qu’un seul Satan poétique qui soit vraiment terrible. C’est celui de Baudelaire, parce qu’il est sacrilège. Tous les autres, y compris celui de Dante, laissent nos âmes bien tranquilles et leurs menaces feraient hausser les épaules très peu littéraires des fillettes du catéchisme de persévérance. Mais le vrai Satan qu’on ne connaît plus, le Satan de la Théologie et des Saints Mystiques, — l’Antagoniste de la Femme et le Tentateur de Jésus-Christ, — celui-là est si monstrueux que, s’il était permis à cet Esclave de se montrer tel qu’il est — dans la nudité surnaturelle