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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/51

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HISTORIQUE DE LA CAUSE

et que les enfants du Christ allaient enfin recouvrer le Paradis perdu, — les nouveaux venus en comprirent seuls la beauté.

Dans ces grandioses forêts septentrionales qui s’étendaient, comme une infinie cathédrale de verdure, de la baie d’Hudson au golfe du Mexique ; parmi les sublimités sauvages des montagnes Rocheuses ou sur le beau penchant des Andes ; aux bords des Amazones ou dans les tles enchantées de la mer des Antilles : au milieu de cet inimaginable ruissellement de lumière, des êtres sans nombre faits à la ressemblance du Très-Haut se tordaient dans la boue sanglante des sacrifices humains et agonisaient de terreur sous l’implacable azur de ce flrmament qui ne racontait aucune gloire divine à leurs pauvres Ames !… Ô Dieu juste ! cinq mille ans de cet enfer[1] !

Les théologiens nous enseignent que, dans l’autre enfer, le supplice de la privation de Dieu surpasse infniment tous les autres supplices et l’un des plus grands Pères de l’Église cst venu nous dire que l’âme de l’homme est « naturellement chrétienne ». Ces malheureux avaient donc, au plus profond de leur cécité morale, un pressentiment quelconque d’un souverain bien absolument nécessaire et absolument inaccessible ! Qui donc oserait assigner l’exacte limite qui séparait les deux abîmes, puisque l’un et l’autre pouvaient être appelés « terre de misère et terre ténébreuse, couverte de l’ombre de la mort ; où ne se trouve nul ordre et nulle rédemption, mais où habite la sempiternelle horreur[2] » ?

  1. 20.000 victimes annuelles au Mexique seulement, d’après Clavigero.
  2. Matines des morts — IIIe nocturne.