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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/59

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VI

Je viens d’écrire ce grand mot de Désir qui remplit tout l’Ancien Testament comme un prodigieux soupir. J’aurais pu comparer : le désir de Christophe Colomb à celui de cet Esprit qui nous est montré dans l’Évangile sous la forme d’une colombe et qui « postule pour nous — dit saint Paul — avec des gémissements inénarrables ». Que dire maintenant ou plutôt que conjecturer du désir de tout un monde opprimé et abruti par le despotisme le plus satanique, mais au sein duquel, néanmoins, l’âme humaine, « inexterminable » et naturellement désirante, jetait encore, en vacillant, quelques étincelles ?

Il est écrit que le Seigneur « exauce le désir des pauvres », et ceux-là étaient de tels pauvres qu’on n’en a jamais connu d’aussi lamentables. Quelque noires et profondes que fussent leurs ténèbres, il n’est pas possible qu’il ne s’élevât pas du fond du cœur de ces misérables un vague frisson d’espérance et de désir. Après tout, n’étaient-il pas les fils de Japhet, et par conséquent, solidaires de la promesse faite au genre humain ? Quoique leur séparation d’avec le reste de la congrégation