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Page:Bloy - Le Révélateur du globe, 1884.djvu/61

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HISTORIQUE DE LA CAUSE

C’était là le triomphe et le défi superbe du Père du Mensonge, nullement anonyme, lui, dans cette géhenne, puisqu’il y portait tous les affreux noms inspirés par le délire de la terreur, et nullement énigmatique non plus, puisqu’il ne promettait absolument rien à ses déplorables esclaves pressés de tortures et séculairement découragés de toute espérance précise et certaine.

Puisque Michel, vainqueur du Diable, est désigné, dans l’Écriture, < le grand prince qui se tient debout pour les fils du peuple de Dieu[1] », c’est-il pas permis de supposer, planant sur ces régions ignorécs et les préservant du définitif désespoir, l’un des compagnons du Chef des Cieux, un de ces anges de patience et de douleur, — semblable à celui qui réconforlait le Fils de l’homme au jardin d’agonie, — que les artistes nous montrent en pleurs sur les tombeaux des grands et qu’un poète malheureux appelait, dans son angoisse, les « séraphins noirs » de l’adversité ? Cet esprit, investi de l’indicible pitié divine pour ces peuples si lourdement châtiés et confident incorruptible du dessein éternel de les délivrer à leur tour, — sans en cornaitre lo moment, — de quels regards chargés d’angoisses ne devait-il pas explorer ce désert de vagues et cet inaccessible horizon d’azur, par où le Messager du Salut viendrait un jour, comme le saint Christophe des pieuses images, avec le Christ sur ses épaules et la sainte Croix dans sa main !

Et lorsque le moment fut arrivé et qu’aux yeux immatériels de ce tuteur de tant d’âmes désolées, appa-

  1. Dao. XII, 1.