Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/170

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tard, je veux l’espérer. Maintenant, j’ai dit. Prenez votre chapeau et foutez le camp !

La richesse a une telle puissance pour avilir et idiotifier que le plus étonnant miracle serait que de telles paroles ne fussent pas tout à fait perdues. On peut se représenter l’âme du riche sous des étages de ténèbres, dans un gouffre comparable au fond des mers les plus profondes. C’est la nuit absolue, le silence inimaginable, infini, l’habitacle des monstres du silence. Tous les tonnerres et tous les canons peuvent éclater ou gronder à la surface. L’âme accroupie dans cet abîme n’en sait rien. Même dans les lieux souterrains les plus obscurs, on peut supposer qu’il y a des fils pâles de lumière venus on ne sait d’où et flottant dans l’air, comme, en été, les fils de la Vierge dans la campagne. Les catacombes, elles aussi, ne sont pas infiniment silencieuses. Il y a, pour l’oreille attentive, quelque chose qui pourrait être les très-lointaines pulsations du cœur de la terre. Mais l’Océan ne pardonne pas. Lumière, bruit, mouvement, vibrations imperceptibles, il engloutit tout et à jamais.