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Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/179

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mères, pour ne pas être remplacées, viennent à la fabrique, deux ou trois jours après l’accouchement. Ainsi, pendant vingt ans, je sais que des dizaines de mille de mères jeunes et fortes sont mortes ; et que, maintenant aussi, des mères continuent à détruire leur vie et celle de leurs enfants, pour préparer des étoffes de velours et de soie[1]. »

Le bon Tolstoï est dépassé. Qu’est-ce que la fabrique dont il parle à côté des bagnes immenses de l’Amérique ou de l’Angleterre ? Rien qu’en France il y a plus de six millions d’ouvrières d’usines sur moins de vingt millions de femmes. Statistique plus puissante qu’une tragédie de Shakespeare. Cette multitude apocalyptique de créatures affamées travaillant, souffrant, mourant, pour assurer les délices de quelques-uns ; sans lumière pour travailler, sans lumière pour souffrir, sans lumière pour mourir, et cela pendant les générations et pendant les siècles !

En dehors des usines, la même statistique

  1. Tolstoï, Les Rayons de l’Aube.