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Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/189

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Pourquoi donc est-il si infâme ? C’est parce qu’il dévore le pauvre, parce qu’il est la guerre au pauvre, simplement. Les détaillants de toute sorte : boulangers, bouchers, charcutiers, charbonniers, logeurs, etc., ne gagnent réellement que sur les pauvres, toujours incapables de s’approvisionner ou de profiter des occasions. La moitié de cinq est trois, c’est l’arithmétique des détaillants. Voici du pain à 0 fr. 35 cent. le kilo. Le pauvre, qui ne peut acheter qu’une livre à la fois, la paiera quatre sous. S’il a faim deux fois par jour, au bout d’un mois le boulanger lui aura volé 1 fr. 50. Ainsi du reste. Une chambre infecte est louée huit francs par semaine, plus de quatre cents francs par an, à une malheureuse qui se tue pour gagner deux francs par jour.

Le crédit est un veau gras tué depuis longtemps pour fêter le retour de l’Enfant prodigue réintégrant la maison paternelle à six étages, après avoir longtemps gardé les cochons. Dites à un commerçant : « Je ne puis admettre qu’on doute de la probité d’un homme qu’on ne connaît pas ». Il ne comprendra jamais.