Page:Bloy - Le Sang du pauvre, Stock, 1932.djvu/48

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la prostitution des corps, le suicide ou la folie. Pourquoi la danse ne continuerait-elle pas ?

Mais il n’y a pas de refuge pour l’Indignation de Dieu. C’est une fille hagarde et pleine de faim à qui toutes les portes sont refusées, une vraie fille du désert que nul ne connaît. Les lions au milieu desquels elle a été enfantée sont morts, tués en trahison par la famine et parla vermine. Elle s’est tordue devant tous les seuils, suppliant qu’on l’hébergeât, et il ne s’est trouvé personne pour avoir pitié de l’Indignation de Dieu.

Elle est belle pourtant, mais inséductible et infatigable et elle fait si peur que la terre tremble quand elle passe. L’Indignation de Dieu est en guenilles et n’a presque rien pour cacher sa nudité. Elle va pieds nus, elle est toute en sang et, depuis soixante-trois ans, — cela est terrible — elle n’a plus de larmes ! Ses yeux sont des gouffres sombres et sa bouche ne profère plus une parole. Quand elle rencontre, un prêtre, elle devient plus pâle et plus silencieuse, car les prêtres la condamnent, la trouvant mal vêtue, excessive et peu charitable.