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le ramasseur de crottin

Ça devenait tout à fait inexplicable, d’autant plus que les nouveaux touristes, après avoir fait un feu de camp de toutes les planches de sa misérable baraque, l’avaient forcé de les suivre.

L’un d’eux, un grand vieux bougre à longue barbe et à lunettes, lui avait montré la gueule de son revolver, lui signifiant, sous peine de mort, d’avoir à leur servir de guide au milieu des bois.

Ces façons ne lui plaisaient guère, mais il n’était pas le plus fort, et puis, après tout, on lui donnait à manger régulièrement de la viande, de la vraie viande de boucherie, comme chez les bourgeois de Pithiviers, et cela le dédommageait amplement de tout.

Cette vie de Cocagne dura quelques jours, pendant lesquels Mouche-à-Caca, qui connaissait les moindres sentiers, dut être funeste à l’armée française et contrarier ses opérations ou ses plans d’une manière abominable.

Vers la fin du dixième jour, un franc-tireur parisien qu’on était sur le point de fusiller, l’apercevant à trois pas, lui cria :

— C’est donc toi, espèce d’avorton, qui vends les soldats français ! Je t’invite à boire un verre de mon sang, tout à l’heure, quand tes bons amis m’auront assassiné. Tiens ! Judas ! pourriture ! charogne !… Et il lui cracha à la figure.

Mouche-à-Caca s’essuya et ne répondit rien. Seulement, la nuit suivante, il sciait le cou de l’homme à barbe, volait son revolver, le détrous-