Mais il promenait dans la campagne une si farouche mélancolie et une si terrible peinture, qu’il épouvantait jusqu’aux animaux.
Il peignait, en effet, du matin au soir, avec un acharnement incroyable. Son chevalet semblait être à la fois partout. Les troupeaux, les arbres, les fleurs, les effets de ciel, les impressions de tout genre se multipliaient sur de brèves toiles que dévorait instantanément son pinceau. Il appartenait à la grande école des Ratés et des Dératés de l’Art qui galopent, jusqu’à l’éternelle mort, dans le circulus des imitations ou des pastiches. Il aurait pu en être le chef.
Ce malheureux nommé Poussin et même Nicolas Poussin, par une effarante ironie du sort, était un raté conscient, séditieux et invincible. Il était raté comme on est cocu, quand on manque de résignation. Il allait donc s’exaspérant dans son impuissance et devint bientôt une sorte de prodige. Autrefois, élève décourageant d’une ganache illustre, l’outrance poncive de ses productions huileuses dépassa toute conjecture.
Toujours doux aux autres, mais inexorable pour lui-même, et se taxant à dix mille œuvres, il exécuta, vingt ans, les « trois règnes » sous des ciels qui ne connurent aucune pitié. Les campagnards ne voyaient que lui sur les chemins, au bord des champs, au fond des bois.
Impatient d’écraser les Millet, les Théodore Rousseau, les Corot, les Diaz et toute la séquelle