Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/133

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À la fin du premier quart d’heure, le rougeâtre fragment de lune qui les impatientait était au moment de tomber sous l’horizon, lorsqu’un petit corps blanc passa brusquement à deux pas en avant du sergent-major, coupant le sentier de gauche à droite et s’évanouit dans un fourré.

Proserpine remarqua que les étrangers se signaient avec dévotion, ce qui pouvait étonner de la part de tels forbans, mais il se souvint aussitôt de la singulière croyance orientale qui veut qu’en de pareilles expéditions, la rencontre subite d’un lièvre soit un présage d’insuccès fatal.

Au même instant, le petit souffle noir qui passe au-dessus des champs lorsque la lune se couche — comme si cet astre, glissant, tirait un rideau sur la terre — vint geler la face des soixante noctambules.

Il sembla, dès lors, qu’une tristesse pénétrante flottait au-dessus de ces marcheurs. Toutefois, le geste pieux des Polaques n’avait rien modifié de leur attitude. Ils étaient toujours énigmatiques et résolus, ayant visiblement sacrifié leur peau depuis très longtemps.

Halte ! Le mot chuchoté saute silencieusement d’homme à homme, jusqu’au dernier.

On vient de marcher une demi-heure encore. Le but doit être proche, que diable ! Proserpine qui