Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/134

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ne connaît pas le pays et qui se défie de ses vieux yeux, a même cru voir une lumière. Mais c’est un symptôme plus grave qui arrête la petite colonne.

Quelques oiseaux qui devraient être profondément endormis se sont envolés en piaulant d’un sombre massif de jeunes sapins et de broussailles, à la distance de cinquante pas environ, et ce n’est certainement pas la très sourde approche des arrivants qui a pu les effrayer.

Il est absolument nécessaire de sonder ce coin ténébreux avant de pousser plus loin. Car enfin, on ne s’est mis en marche, après tout, que sur le rapport d’un vagabond, et le commandant a prescrit la plus excessive prudence.

Spontanément, le grand Polaque se détermine, refusant même d’être accompagné de ses quatre amis frémissants. Dédaigneux de toute précaution, une demi-douzaine d’enjambées le portent jusqu’au taillis suspect.

Quelques secondes s’écoulent, puis un cri bref d’agonisant et le bruit des pas de deux ou trois hommes en fuite. Le grand Polaque reparaît, traînant le cadavre d’un chasseur saxon qui cherchait à l’étrangler dans l’obscurité et dont il vient de broyer la colonne vertébrale en le ceinturant de ses terribles pattes de crabe. Les autres ont décampé sans décharger leurs fusils, n’étant venus que pour observer, et se replient sans aucun doute pour donner l’alarme.

À partir de ce moment, les minutes devenaient