Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/150

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ter. On les entendait à Conlie crier : « Partons, retournons chez nous. À la maison ! à la maison ! »

Ce n’était pas un complot ténébreux, mais une résolution annoncée ouvertement qui désespérait les chefs privés de moyens de répression.

L’affreux cloaque les retint plus efficacement que n’eussent pu le faire les quarante gendarmes dont chacun aurait eu à lutter contre un millier d’hommes au désespoir.

L’avenir ne le croira pas. On ne pouvait faire un pas sans enfoncer à mi-jambe. On eût dit que des mains flasques et puissantes saisissaient, au fond de chaque ornière, les sabots des misérables que les fournisseurs de l’intendance, persuadés de l’insolvabilité du camp, s’obstinèrent à ne pas chausser.

Quand les hommes avaient accompli les corvées indispensables à la quotidienne existence, ils étaient à bout de force, à moitié morts d’épuisement. On voyait des êtres jeunes et robustes, les plus intelligents peut-être, dont on eût pu faire des soldats, s’arrêter privés d’énergie, enfoncés dans la boue jusqu’aux genoux, jusqu’au ventre, et pleurer de désespoir.

Il faut l’avoir connu ce supplice de ne jamais pouvoir se coucher ! Car cette foule condamnée à mort — pour quel crime, grand Dieu ? — vit recommencer la chose qui n’a pas de nom, l’horreur sans mesure, et qui n’était encore arrivée qu’une