Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/196

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Il s’approcha, l’invita à s’asseoir, en essayant un sourire aimable, et lui dit en français, irréprochable d’ailleurs :

— Madame, je vous prie d’abord d’excuser le peu d’élégance de cette maison. Nous sommes des soldats, vous le savez, et nous manquons de tout à Versailles.

L’étrangère, sans prononcer une parole, exprima d’un geste son indifférence profonde.

— Veuillez donc m’exposer l’objet de votre visite, continua le Prussien. J’ai le devoir et la volonté d’écouter avec attention une dame à qui Son Altesse le Prince Royal a daigné accorder un sauf-conduit. Nous sommes rudes, sans doute, mais « la politesse du cœur est une chose allemande que les Français ne connaissent pas ».

La dame, alors, se dressant, releva son voile…

Cinq minutes plus tard, le très redoutable Chancelier de la Confédération de l’Allemagne du Nord, sanglé maintenant, comme un cuirassier sous sa cuirasse, reconduisait, jusque dans la rue, en lui parlant, peut-être encore, de la politesse du cœur, sa Visiteuse inconnue plus soigneusement voilée qu’auparavant.

. . . . . . . . . . . . . . .

Les quatre-vingts canons et les douze mortiers formidables destinés au bombardement dormaient toujours à Villacoublay, malgré l’impatience exprimée de cinq cent mille hommes, malgré la rage inexprimable de Bismarck lui-même, et il se disait