Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/210

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Lui aussi, pourtant, avait l’air de baisser la crête. Visiblement, il commençait à en avoir assez et se gênait peu pour blaguer ouvertement les généraux.

L’officier qui commandait ces calamiteux survivants de la défaite venait de leur tenir ce discours :

— En faisant appel à votre patriotisme, je ne dois pas, mes amis, vous dissimuler le danger… Vous êtes appelés à couvrir la retraite et à sauver les derniers convois de l’armée… Derrière nous, il n’y a plus rien… que l’ennemi.

Il parlait encore qu’une fusée s’éleva dans la direction du levant, une autre au sud-est, une troisième tout à fait au midi et on entendit aboyer furieusement les horribles chiens des Prussiens que ces sauvages s’amusaient, vers la fin de la campagne, à lancer sur les vaincus dans le fond des bois.

Il y eut un frisson de désespoir. Exténué d’un long jeûne, brisé de fatigue et gelé jusqu’aux moelles, on ne pouvait plus marcher ni même tenir son fusil, alors qu’il aurait fallu se jeter avec précipitation dans le département de la Mayenne, car l’ennemi cherchait évidemment à tourner la faible troupe du côté de Loué et de Brulon.

Tout ce qu’on pouvait, c’était de se faire tuer là où on était, le plus proprement possible, et nul de ces agonisants ne parla de se rendre…

Quatre heures plus tard, au coucher du soleil, il n’en restait qu’un, l’indestructible Bertrand qui