Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/209

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La mort d’une aussi parfaite arsouille ne devait pas démentir sa vie. Les Normes qui président à l’universelle Harmonie se fussent indignées d’un trépas vulgaire.

On était à la fin de tout et le vieux Bertrand ne dessoûlait pas. La bataille même du Mans où il s’égara quinze heures dans les lignes allemandes, cherchant, disait-il, en son argot d’espion féroce, « la clef des lieux », — cette désastreuse martingale de l’honneur français pendant laquelle on fut réduit à compter un instant sur cet ivrogne pour dépister le Grand-Duc, ne modifia point son état. Il se vantait d’avoir bu à la gourde de la Mort…

Le 14 janvier, on était en route sur Laval, à l’extrémité ouest de ce pauvre département de la Sarthe dont les six cent mille hectares furent assignés aux dernières convulsions de la Défense nationale.

Trois cents hommes environ prirent machinalement je ne sais quelles positions de combat, à l’entrée de la forêt de Charnie, autrefois nommée la Thébaïde du Maine, en avant d’un hameau désert.

Ces hommes étaient si malheureux que la présence de l’invulnérable et sempiternel ivrogne les réconfortait. Quelque chose de surnaturel avait fini par lui être attribué.