Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

journées de travail par semaine et deux ou trois patrons par mois. En un mot, c’était un de ces redoutables crâneurs engendrés pour le désespoir des industriels.

Devenu soldat en province, contre toute prévision et mis en contact avec de vrais hommes élevés dans une ignorance invincible de ses exploits antérieurs, tenu en main par un chef solide qu’il n’y avait pas moyen d’épater, il s’était résigné très vite, mais non sans douleur, à « éteindre son fourneau », comme il le disait lui-même, et passait avec raison pour un excellent troupier.

L’occasion du prisonnier Bavarois fit renaître en lui quelque chose. La perspective d’une longue promenade sous bois pendant laquelle il pourrait expliquer à ce barbare la supériorité de la France l’enflamma et, presque aussitôt, fut entamé le dialogue remarquable dont voici les principaux traits :

— C’est un effet de mirage de voir ta binette, mon gros Prussien ! commença-t-il. Il paraît que ça ne t’a guère profité de faire le galant avec nos dames. Enfin, je ne veux pas t’embêter pour ça. Tu es assez puni et je respecte le courage malheureux comme doit le faire tout bon Français. Seulement, tu es mon prisonnier et je réponds de ta poire. Il ne faut pas me pisser à l’anglaise. Ça, mon petit père, je ne te le conseille pas. C’est