Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/297

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Les deux grand’gardes, qui n’avaient peut-être plus que quelques instants à vivre, éclatèrent alors d’un rire douloureux autant qu’une crise de sanglots, et se battirent, comme des enfants, à coups de boules de neige…

La France était bien vaincue, mais non pas tout à fait soumise, et les inutiles spectres allaient, sans trêve, dans un songe de folie et de douleur.

Il leur fallut errer encore deux semaines, toujours glacés, toujours affamés, toujours dormant sur leurs pieds et désespérés de si bêtement souffrir.

Il y avait dans cette troupe un infortuné garçon, un séminariste de vingt ans qui s’était engagé volontairement avec trois cents cierges dans le cœur. Celui-là avait rêvé de jouer les Judas Machabées et ses camarades lui certifiaient qu’il serait machabée tout court. Ce qui arriva effectivement.

Sa campagne militaire fut la déception la plus cruelle et je me mépriserais d’oublier sa mort.

Étant très faible, ainsi que la plupart des adolescents travaillés d’héroïsme, les fatigues étonnantes qui lui furent octroyées sans compensation l’accablèrent plus que tous les autres. C’était pitié de le voir marcher comme un somnambule, roulant avec son fusil dans la neige, tous les cent