Page:Bloy - Sueur de sang.djvu/298

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pas, et, réveillé par cette chute, se relevant avec des râles, en éjaculant une invocation.

Bientôt atteint de phtisie, sa toux continuelle devint la fanfare de ce bataillon fantastique. Deux ou trois fois des apitoyés entreprirent de le porter. Mais c’était vraiment trop lugubre, les porteurs eux-mêmes ayant l’air d’avoir besoin qu’on les enterrât. Il fallut y renoncer.

Pas moyen de lui parler d’ambulance ou d’hôpital. Il avait cette idée fixe de mourir les armes à la main.

Un jour, déterminé à finir en soldat, il se précipita, baïonnette au vent, sur un groupe de Prussiens lassés aussi, très certainement, et qui regardaient passer leurs pitoyables vaincus sans démonstrations hostiles, comme ils auraient regardé un convoi funèbre.

Car ces choses se sont vues. On en avait tellement assez, de part et d’autre, qu’on finissait par ne plus se battre quand on se rencontrait en petit nombre.

L’un de ces Prussiens, que je vois toujours, un grand diable rouge au regard mélancolique, écarta tranquillement le fusil dont cet enfant menaçait sa peau et l’enserrant d’un de ses bras, lui mit dans la bouche le goulot d’un bidon plein d’eau-de-vie.

L’agonisant but avec avidité quelques gorgées et l’ennemi, très doucement, le laissa partir. Tel fut le résultat de sa dernière crise de bravoure.

Trois jours plus tard, il râlait. Par bonheur, on