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l’obstacle

poser hyperbolique le témoignage d’un homme de guerre qui en fut l’assistant épouvanté.

Le 10 janvier, tout était fini de la défense du Mans. Une fois de plus, nos lignes étaient enfoncées, les hauteurs prises, il fallait se hâter de franchir la Sarthe et les troupes exténuées du général Rousseau commençaient à arriver à Montfort.

Ce malheureux chef privé de secours, condamné à la désespérante responsabilité d’être le pivot continuellement déplacé d’une action nulle, était forcé de se replier chaque soir, marchant la nuit, se battant le jour, depuis quatre-vingt-seize heures, et recevant à chaque minute, en plein ventre creux de sa pauvre armée, le ressac des guenilleuses colonnes en désarroi que le Prussien refoulait à coups de canon et qui ruisselaient par tous les chemins dans la direction de… l’Océan.

La nuit tombait, la neige aussi, cette neige homicide que je raconterai quelque jour, qui tourmenta si férocement les noctambules et qui paraissait sortir des mufles ou des naseaux de toute cette Allemagne victorieuse.

Les dernières lueurs glacées du crépuscule nous avaient laissé voir, à droite et à gauche de la grande route qui passe à Montfort, les quelques compagnies de marins chargées de soutenir la retraite et qui se battirent, en effet, pour tout le