Page:Blum - L’Exercice du pouvoir, 1937.djvu/142

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C’est l’instinct même de la conservation qui doit conduire ainsi les puissances pacifiques à se serrer étroitement les unes contre les autres, à rendre les obligations qui les lient plus précises et plus sûres. C’est aussi le même instinct qui les pousse à imprimer à leurs armements un rythme d’accélération fébrile. Tous les gouvernements tiennent à cet égard le même langage : « Si j’arme, c’est pour mettre une force accrue au service des engagements que j’ai contractés et, par conséquent de la paix. C’est pour jeter, le jour venu, un poids plus lourd dans la balance et la faire pencher du côté du droit… » Dans cet instant précis de l’histoire, on s’explique qu’il en soit ainsi, et sans doute ce réflexe était-il malaisément inévitable. Cependant, sur ce point encore, je veux dire toute notre pensée.

La sécurité collective fondée sur la coalition de forces supérieures s’opposant à toute agression ou à tout système d’agression possible, — c’est-à-dire, en somme, sur la croissance continue des armements, — ne peut pas être un instrument durable et stable de la paix. Avant peu, le monde étoufferait sous le poids simultané de deux guerres, celle dont les conséquences se développent encore, celle qui se préparerait. Avant peu, la charge des armements entraînerait le monde vers la guerre en vertu d’une sorte de loi de la pesanteur.

Je veux ajouter une réflexion tout aussi grave à mes yeux et tirer une des leçons du drame éthiopien qu’on n’a pas le droit de négliger plus que les autres. La sécurité collective, tant qu’elle s’organisera dans une Europe armée et surarmée, posera devant chaque État — et surtout devant chaque peuple — une trop cruelle alternative. Les engagements internationaux sont défiés ou mis en échec, si les puissances qui les ont souscrits ne sont pas résolues à aller jusqu’au bout… D’accord. Mais aller jusqu’au bout, c’est accepter le risque d’aller jusqu’à la guerre. Il faut donc accepter l’éventua-