Page:Blum - L’Exercice du pouvoir, 1937.djvu/149

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sion se soit produite entre citoyens, sans qu’une seule fois l’ordre ait été troublé dans la rue, sans qu’une seule institution ait été bouleversée, sans qu’un seul citoyen ait été spolié.

Il en sera ainsi demain comme il en était ainsi hier. La démocratie reposant sur l’ordre et faisant reposer l’ordre sur la volonté réfléchie du plus grand nombre, est le contraire de l’anarchie.

Comment récuser en tout cas le magnifique témoignage offert depuis tant d’années par les grandes nations anglo-saxonnes ? N’est-ce pas grâce à la démocratie que la Grande-Bretagne a pu ménager entre le progrès et la tradition cette adaptation continue, presque insensible, qui lui a permis de transformer toutes ses institutions en demeurant semblable à elle-même ? N’est-ce pas grâce à la démocratie que les États-Unis ont pu opérer en quelques années un prodigieux renouvellement économique sans compromettre un seul instant l’ordre légal, sans sortir des cadres de la Constitution élaborée au lendemain de la Guerre d’Indépendance par les disciples américains de Montesquieu et de Rousseau ?

Non, la démocratie ne sort pas condamnée du long procès engagé contre elle. Elle se justifie par l’épreuve comme par le raisonnement. La dette que l’humanité a contractée envers elle depuis 150 ans est infinie. La France le sait, et la France lui reste fidèle.

Bien qu’elle ait gardé une pleine confiance dans sa puissance séculaire de rayonnement, la France ne prétend imposer à aucun autre peuple les principes de gouvernement qu’elle croit les plus sages et les plus justes. Elle respecte leur souveraineté comme elle entend faire respecter la sienne. La France rejette entièrement l’idée des guerres de propagande ou des guerres de représailles. Les causes de guerre qui pèsent sur le monde sont déjà assez lourdes pour qu’elle ne pense pas à les aggra-