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cérémonie. À Chaudun, avec nos camarades socialistes et la municipalité, nous avons inauguré cette stèle qui commémore le souvenir de Louis Jaurès, tombé tout près de là, en juin 1918, et que surmonte le buste de son père, de Jean Jaurès. Vous ne vous étonnerez donc pas qu’à la joie de cet après-midi se mêlent, pour moi, le souvenir et les pensées qui m’ont accompagné à la cérémonie de ce matin.

Je pense à Jaurès et, en ce moment, dans cette salle que notre ami Jean Carlu a décorée avec un art si simple et si exquis, j’ai devant moi, sous les yeux, une grande banderole où je lis : « Le socialisme c’est la paix. » Vous savez tous cela. Aucun de vous n’en doute. Oui, le socialisme est nécessaire à la paix et la paix est nécessaire au socialisme.

Nous avons vu, en Europe, depuis la fin de la guerre, les dangers de guerre s’accroître partout où le socialisme reculait. Nous savons que dans un monde où le socialisme aurait universellement installé sa loi d’égalité et de justice, non seulement la guerre ne serait plus possible, mais qu’elle ne serait même plus concevable. Et, d’autre part, nous ayons reconnu par expérience que toute guerre comporte pour une organisation internationale, quelle qu’elle soit, — même pour l’Église catholique, — une épreuve à laquelle elle n’est jamais bien sûre de résister. Chacun de nous le sait, chacun de nous en est convaincu. Mais c’est un des travers, une des faiblesses des hommes de s’imaginer que ce qu’ils pensent aujourd’hui, tout le monde l’a toujours pensé.

Quand la pensée de Jaurès a commencé à se répandre, tout le monde ne la partageait pas. Il subsistait dans les rangs du mouvement prolétarien une idée qui n’en est peut-être pas complètement disparue : l’idée que la guerre possède une vertu révolutionnaire, l’idée que c’est à l’abri des grands