Page:Blum - L’Exercice du pouvoir, 1937.djvu/341

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et cela en dépit de toutes les circonstances qui auraient pu servir d’excuses à une pratique tant de fois employée par nos prédécesseurs : année d’élections générales, clôture de la session ordinaire à une date exceptionnellement tardive, nécessité de soumettre un certain nombre de crédits ou d’évaluations de recettes à la révision que l’alignement monétaire imposait, importance des changements d’ordre financier et d’ordre fiscal, que la loi de finances de 1937 doit consacrer.

C’est à mon ami Vincent Auriol que revient la tâche — ou le privilège — de faire connaître à l’opinion les caractéristiques essentielles du budget qu’il a élaboré. Je n’entends ni marcher sur ses brisées, ni déflorer ses effets. La seule remarque que je veuille me permettre à cet égard est de mon ressort plutôt que du sien, car elle est d’ordre non pas technique, mais politique.

J’assiste, et vous assistez, depuis une semaine ou deux, à un assez étrange spectacle. Personne ne sait encore ce que sera le projet de budget ; personne, sauf Vincent Auriol, ses collaborateurs directs, et, si vous permettez que je m’adjoigne à la liste, moi-même, qui suis le confident habituel de ses desseins.

Mais, sur ce budget, que personne ne connaît encore, voilà que les rumeurs les plus sinistres commencent déjà à circuler. Tantôt on dépeint avec des trémolos de commisération l’énormité du gouffre que laissera béant l’écart entre les dépenses et les recettes ; tantôt on vitupère avec des accents à la fois indignés et compatissants, sa cruauté envers le contribuable. Ce budget que personne ne connaît et dont tout le monde parle, il est même devenu l’un des instruments contondants employés pour disloquer le Front Populaire et briser le Gouvernement qui en est l’expression.

Ce qui complète le tableau, c’est que, parmi les censeurs les plus impitoyables, parmi ceux qui