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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

— Il en reviendrait, crois-moi ! fit Jeannette assurée. Tout s’efface avec le temps. À ta place, je n’hésiterais pas. Si tu tardes trop les choses ne feront que s’envenimer, Henri s’impatientera, fera quelque brusquerie comme en font souvent les grands timides et tu auras des embarras !

Marie-Anna ne répliqua pas.

En vérité, elle avait bien assez de ses soucis. L’éloignement de Jacques, l’attente indéfinie de son retour, le poids du secret et les scrupules de conscience remplissaient toutes ses heures du jour et quelquefois de la nuit. L’amour silencieux et vaguement inquiétant d’Henri lui était une obsession qu’elle eût voulu chasser loin d’elle, hors de sa pensée mais sans avoir besoin de parler, de raisonner, de se défendre, sur un simple geste comme jadis la patricienne romaine éloignait le joueur de luth qui avait cessé de lui plaire.

Dans cet état d’esprit, Marie-Anna appréhendait une explication avec Henri, car elle gardait pour lui une sorte d’affection fraternelle éclose depuis bien des années dans les ébats de leurs jeux d’enfants. Henri serait blessé au plus pro-