Page:Bluther - Marie-Anna la Canadienne, 1913.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
145
MARIE-ANNA LA CANADIENNE

Cette dernière question de Jeannette l’avait troublé. Il fallait bien peu de chose pour embrouiller ses réflexions mais ce jeune homme était doué ou plutôt affligé d’une sensibilité déconcertante qui lui permettait de deviner les allusions si voilées qu’elles puissent être. De plus, sa nature droite ne pouvait s’accommoder des équivoques. La question de Jeannette lui déplut ; elle le froissa intimement moins par son indiscrétion que parce qu’elle lui était posée devant Marie-Anna.

Jeannette était trop fine pour ne pas voir le trouble dans lequel elle venait de plonger le pauvre amoureux ; elle reprit vivement pour faire oublier sa faute légère.

— Je souhaite « mon cher docteur » que vous restiez près des Piles. Je vous promets ma clientèle et celle de mes amies quand l’une de nous aura la migraine.

Henri sourit sans répondre. Il regardait Marie-Anna assise en face de lui, pelotonnée dans son coin et abîmée dans un profond mutisme. Le visage de la jeune fille était plein d’ombre ; on ne voyait qu’un vague dessin de ses traits harmonieux et purs, le flot capricieux de sa chevelure