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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

blonde débordant en ondulations sur le col de fourrure relevé. Ses mains étaient frileusement jointes dans le manchon.

Henri la contemplait à la lueur tremblotante du wagon avec ce regard des adorateurs platoniques qui se complaisent durant toute leur jeunesse à parer la femme aimée d’une auréole d’idéal et de perfection.

— Tu ne dis rien, Marie-Anna ? fit-il de sa voix grave.

Elle eut un tressaillement nerveux comme si le son de cette voix eût été un contact désagréable.

— Je suis brisée de fatigue ! répondit-elle mollement. Nous avons magasiné pendant plus de deux heures. J’ai des chiffons et des rubans plein la tête !

Elle ajouta en refermant les yeux :

— Je serai plus bavarde demain…

Henri n’insista pas. Marie-Anna se replongea dans son mutisme. Le roulement sourd et régulier du train traversant les bois neigeux engourdissait sa pensée. On eût dit vraiment à voir ses paupières appesanties qu’elle tombait de lassitude mais au fond d’elle-même, elle éprouvait un