ménagères chargèrent les enfants des gâteaux et remirent à moi quelques florins pour le voyage. Que Dieu récompense ce bon peuple dans la personne de ses enfants pour tout le bien qu’il m’a fait. Ce pauvre Lhotsky m’accompagna pendant un mille de chemin, portant Jeanette sur ses bras. Il n’était pas content de me voir partir : être chez nous, c’était pour lui être à Prague. Nous pleurâmes en nous disant adieu. Aussi longtemps qu’il resta à Nisch, il alla prier sur la tombe de Georges ; car ils s’étaient aimés comme des frères. Il succomba dans la guerre de France. Que Dieu lui donne le repos éternel ! »
« Et comment es tu arrivée en Bohème avec les enfants ? » demanda la princesse.
« J’ai beaucoup souffert en route madame la princesse. Je ne connaissais pas bien les chemins ; aussi me suis-je égarée plusieurs fois. Nos pieds contractaient des durillons que la marche rendit sanglants, et maintes fois mes enfants et moi nous pleurions de fatigue, de faim et de douleur, quand nous étions longtemps sans pouvoir atteindre un lieu habité. Enfin nous parvînmes heureusement dans les montagnes de Glatz où je me sentis déjà comme chez moi. Je suis née à Oleschnitz, frontière de Silésie ; mais madame la princesse ne sait pas peut-être où est situé Oleschnitz. Quand j’approchais du village, une autre inquiétude m’assiégea le cœur. Je ne savais pas si mes parents vivaient encore, et comment ils m’accueilleraient. Ils m’avaient donné une jolie dot, et voilà que je revenais les mains presque vides et en amenant trois orphelins ! —