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Page:Božena Němcová Grand-mère 1880.djvu/228

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aurez l’occasion de connaître ce qui est bien et ce qui est mal ; on tâchera de vous séduire, et vous entrerez en tentation. Alors souvenez-vous de votre grand’mère, et de ce qu’elle vous disait souvent, quand elle allait jadis à la promenade avec vous. »

Vous savez que j’ai renoncé à mener une vie plus commode que m’offrait le roi de Prusse, et que j’ai choisi de me tuer à force de travail plutôt que rendre mes enfants étrangers à leur patrie. Aimez donc vous aussi, la terre bohême comme votre mère et plus que tout autre chose au monde, travaillez pour elle comme ses dignes enfants, et la prophétie que vous craignez tant ne s’accomplira point. Je ne vivrai plus quand vous serez devenus des hommes, mais j’espère que vous vous souviendrez des paroles de votre grand’mère. « Ces derniers mots furent prononcés par elle d’une voix émue ».

« Je ne les oublierai jamais, » dit Barounka à mi-voix, en cachant son visage sur le sein de grand’mère.

Les garçons se tenaient coi, sans prononcer une parole, ils ne comprenaient pas les discours de grand’mère aussi bien que Barounka ; quant à Adèle, se serrant contre grand’mère, elle dit d’une voix suffoquée par les larmes : « Mais grand’mère, vous ne mourrez pas, n’est-ce pas, vous ne mourrez pas ? — Toute chose, dans le monde, ma chère enfant, n’a qu’un temps. Et moi aussi, Dieu me rappellera, » répondit grand’mère à Adèle en la serrant de tendresse contre sa poitrine. Puis un long silence se fit. Grand’mère restait dans ses pensées et les enfants ne savaient que dire.