les trois ; elle avait beaucoup d’expérience ; elle connaissait l’état militaire — tous croyaient ce qu’elle en disait.
« Et quels étaient ces trois hommes de glace que le Russe envoya à Bonaparte ? » demandait le jeune garçon-meûnier qui était d’un extérieur agréable.
« Ne devines-tu pas que c’étaient les trois mois de décembre, de janvier et de février ? » lui répliquait le maître-garçon. « En ces mois, il fait si froid en Russie que les gens sont obligés de mettre leur tête dans un étui, de crainte d’avoir le nez gelé ; et, comme les Français ne sont pas accoutumés à un froid pareil, ils gelèrent tous, quand il fut venu. Et le Russe savait très-bien, lui, que ça finirait de cette manière ; et c’est pourquoi il les a retenus. Ah ! voilà qui était bien avisé ! »
« Et vous avez connu personnellement l’empereur Joseph ? » demandait encore un des garçons meûniers.
« Comment ne l’aurais-je pas connu ? Je lui ai parlé, et il m’a donné cet écu de sa propre main, » dit grand’mère, en lui mettant en main cette médaille entourée de grenats.
« Ah ! racontez-nous donc, grand’mère, où et comment cela s’est fait ! » demandaient-ils à la fois. À peine les enfants eurent-ils entendu la question qu’ils restèrent tranquilles et descendirent du four pour prier grand’mère de raconter ce qu’ils ne savaient pas non plus.
« Mais monsieur le meûnier et madame la meûnière me l’ont déjà entendu dire. »