elle repoussait complètement ses offres de service, et l’ardeur de Pericon s’en allumait d’autant plus. Ce que voyant la dame, comme elle était déjà demeurée parmi ces gens pendant plusieurs jours, elle comprit à leurs façons d’agir qu’elle était chez les chrétiens, et en un lieu où, même si elle l’avait su, il lui aurait peu réussi de se faire connaître. Sentant également qu’à la longue, par force ou par amour, il lui faudrait en venir à satisfaire Pericon, elle résolut de dominer par sa force d’âme la situation malheureuse où elle se trouvait. Elle recommanda donc à ses femmes — il ne lui en était plus resté que trois — de ne révéler à personne qui elles étaient, à moins qu’elles ne se trouvassent en un endroit où elles verraient moyen d’être secourues et délivrées. En outre, elle les engagea fortement à conserver leur chasteté, affirmant que pour elle, elle était bien résolue à ce que personne, si ce n’est son mari, pût jouir d’elle. Ses femmes la louèrent beaucoup de cela, et promirent de suivre ses ordres selon leur pouvoir.
« Pericon s’enflammant chaque jour davantage — d’autant plus qu’il voyait à sa portée la chose désirée et qu’elle lui était refusée — et voyant que ses frais n’aboutissaient à rien, résolut d’agir par ruse et artifice, réservant la force pour la fin. S’étant aperçu plusieurs fois que le vin plaisait à la dame comme une personne qui n’avait pas été habituée à en boire, sa religion le lui défendant, il pensa qu’il la pourrait prendre à l’aide du vin, ministre ordinaire de Vénus. Feignant de ne plus avoir envie de ce dont elle se montrait si avare, il fit servir un soir, en manière de fête solennelle, un beau souper, auquel la dame vint assister. À ce souper égayé par toutes sortes de bonnes choses, il ordonna à celui qui la servait de lui donner à boire des vins variés mêlés ensemble, ce que le serviteur fit très bien : et elle qui ne se méfiait pas de cela, entraînée par l’agrément du breuvage, en prit plus qu’il n’aurait été honnête. De quoi, toute infortune passée étant oubliée, elle devint joyeuse, et voyant quelques femmes danser à la mode de Mayorque, elle dansa à la mode d’Alexandrie. Ce que voyant Pericon, il lui sembla qu’il était près d’obtenir ce qu’il désirait, et continuant à lui faire servir plus abondamment des mets et des vins, il prolongea le souper une grande partie de la nuit. Enfin, les convives partis, il entra dans la chambre de la dame seul avec elle. Celle-ci, plus chaude de vin que retenue par l’honnêteté, entra dans le lit, après s’être dépouillée de ses vêtements en présence de Pericon, comme s’il avait été une de ses femmes, et sans être retenue par la moindre vergogne. Pericon l’imita sans retard, et ayant éteint toute lumière, il se glissa prestement à ses côtés, la saisit dans ses bras, et sans qu’elle lui opposât la moindre