Page:Boccace - Décaméron.djvu/198

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que chose que je croirais devoir vous causer de l’ennui ; mais comme cet amour est passé, j’aurai moins de souci de vous éclairer sur tout. Je ne sais pas si Filippello a jamais pris l’ombrage de l’amour que je vous ai porté, ou s’il a cru que j’aie jamais été aimé de vous ; mais, qu’il en ait été ou non ainsi, je n’en ai jamais rien montré dans ma personne ; or, maintenant, attendant peut-être l’occasion, et croyant que j’ai moins de soupçon, il semble vouloir me faire à moi ce que je soupçonne qu’il craint que je lui aie fait, c’est-à-dire vouloir avoir ma femme à son plaisir et, suivant ce que je sais, depuis quelque temps, il l’a secrètement obsédée par bon nombre de messages, ce que j’ai entièrement su d’elle ; et même elle a fait les réponses selon que je le lui ai ordonné. Mais pourtant ce matin, avant que je vinsse ici, j’ai trouvé dans la maison de ma femme, en conversation intime avec elle, une personne que j’ai incontinent jugée pour ce qu’elle était ; pour quoi, j’ai appelé ma femme, et lui ai demandé ce que cette personne voulait. Elle me dit : — C’est la poursuivante de Filippello qu’en me faisant lui répondre et lui donner espoir tu m’as mis sur le dos ; et il dit qu’il veut savoir ce que j’entends faire, et que, quant à lui, dès que je le voudrai, il fera en sorte que je pourrai le rencontrer en secret dans une maison de bains de cette ville ; et pour ce, il me prie et m’obsède ; et n’était que tu m’as fait, je ne sais pourquoi, tenir tout ce trafic, je m’en serais débarrassée de façon qu’il n’aurait jamais guetté là où je me serais trouvée. — » Alors, il m’a paru qu’il allait trop loin, qu’il n’en fallait pas souffrir davantage et que je devais vous le dire, afin que vous sachiez quelle récompense reçoit votre complète fidélité pour laquelle j’ai été jadis près de mourir. Et pour que vous ne croyiez pas que ce sont là des mots et des fables, mais que vous puissiez, quand l’envie vous en viendra, le voir et le toucher apertement, j’ai fait faire par ma femme à la personne qui l’attendait, cette réponse qu’elle était prête à aller demain, sur l’heure de none, quand tout le monde dormirait, à cette maison de bains ; sur quoi, celle-ci, très contente, l’a quittée. Maintenant, je ne crois pas que vous croyez que j’y enverrai ma femme ; mais, si j’étais de vous, je ferais qu’il me trouvât en place de celle qu’il croit y trouver ; et après que je serais restée quelque temps avec lui, je lui ferais voir avec qui il a été et je lui en ferais l’honneur qui lui convient ; et, faisant ainsi, je crois qu’il en aurait une telle vergogne qu’en une même heure, l’injure qu’il veut faire à vous et à moi serait vengée. — »

Catella, entendant cela, sans prendre aucunement garde à ce qu’était celui qui le disait ni à ses tromperies, ajouta