Page:Boccace - Décaméron.djvu/216

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cru, si un cas ne fût advenu qui leur démontra clairement quel était celui qui avait été tué, et ce cas fut le suivant. Un jour que des fantassins de la Lunigiane passaient devant chez eux, ils aperçurent Tedaldo et se portèrent à sa rencontre en disant : « — Bonjour, Faziuolo ! — » À quoi Tedaldo, ses frères étant présents, répondit : « — Vous m’avez pris pour un autre. — » Ceux-ci, l’entendant parler, rougirent et lui demandèrent pardon en disant : « — En vérité, vous ressemblez plus qu’homme que nous vîmes jamais à un de nos compagnons appelé Faziuolo de Pontremoli, qui vint ici il y a quinze jours à peine et dont nous n’avons jamais pu savoir ce qu’il était devenu. Il est bien vrai que nous étions étonnés de l’habit que vous portez, pour ce qu’il était soldat comme nous. — » L’aîné des frères de Tedaldo, entendant cela, s’approcha et demanda comment était vêtu ce Faziuolo. Ceux-ci le dirent, et il se trouva justement avoir été comme ils le disaient. D’où il fut reconnu, tant par ces preuves que par d’autres, que celui qui avait été tué était Faziuolo et non Tedaldo ; sur quoi, le doute que ses frères et les autres avaient à son sujet fut dissipé. Tedaldo donc, devenu richissime, persévéra dans son amour, et la dame agissant discrètement et sans plus se fâcher, ils jouirent longuement de leur amour. Dieu nous fasse jouir du nôtre. »



NOUVELLE VIII


Ferondo avale une certaine poudre et est enterré comme mort. Tiré du sépulcre par l’abbé qui jouit de sa femme, il est tenu par celui-ci en prison, et on lui fait croire qu’il est dans le purgatoire. Une fois ressuscité, il élève comme sien un fils que l’abbé avait eu avec sa femme.


La fin de la longue nouvelle d’Émilia étant venue, et cette nouvelle n’ayant point pour cela déplu par sa longueur, mais tous ayant reconnu qu’elle avait été rapidement contée eu égard à la quantité et à la variété des aventures qu’elle contenait, la reine, ayant d’un signe montré son désir à la Lauretta, lui donna occasion de commencer ainsi : « — Très chères dames, je crois que j’ai à vous raconter une histoire qui a beaucoup plus l’air d’un mensonge que d’une vérité, et elle m’est revenue en l’esprit quand j’ai entendu parler de celui qui avait été enseveli et pleuré pour un autre. Je dirai donc comment un vivant fut enseveli pour mort, et comment ensuite, bon nombre de gens et lui-même crurent qu’il était sorti du tombeau, non en personne vivante, mais en ressuscité, celui qui était cause de l’aventure étant adoré