Page:Boccace - Décaméron.djvu/432

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

satisfaite ni vengée avant de l’avoir fait disparaître de ce monde ; et si j’étais un homme, comme je suis une femme, je ne voudrais pas qu’aucun autre que moi se chargeât de son affaire. Seigneur, punis-le, ce méchant ivrogne, qui n’a point de honte. — »

Les jeunes gens, voyant et entendant tout cela, se tournèrent vers Arriguccio et lui adressèrent les plus grosses injures qui eussent jamais été dites à un méchant homme ; finalement ils lui dirent : « — Nous te pardonnons celle-là comme à un homme ivre ; mais garde-toi sur ta vie que nous entendions jamais plus de semblables nouvelles, car pour sûr, s’il nous en parvient encore aux oreilles, nous te paierons en même temps celle-là et les autres. — » Ayant ainsi parlé, ils s’en allèrent.

« Arriguccio était resté tout ébahi, ne sachant en lui-même si ce qu’il avait fait était vrai ou s’il avait rêvé ; sans plus rien dire, il laissa sa femme en paix. Celle-ci, par sa sagacité, non seulement évita le péril survenu, mais trouva le moyen de faire selon son plaisir, sans avoir plus aucune peur de son mari. — »


NOUVELLE IX


Lidia, femme de Nicostrate, aime Pirrus. Celui-ci, pour croire à son amour, lui demande trois choses qu’elle fait toutes les trois ; en outre, en présence de Nicostrate, elle se satisfait avec lui et fait croire à Nicostrate que ce qu’il a vu n’est point vrai.


La nouvelle de Néiphile avait paru si plaisante, que les dames ne pouvaient se tenir d’en rire et d’en parler, bien que le roi leur eût imposé plusieurs fois silence, ayant ordonné à Pamphile de dire la sienne. Cependant, quand elles se turent, Pamphile commença ainsi : « — Je ne crois pas, révérentes dames, qu’il existe chose au monde, quelque grave et douteuse qu’elle soit, que n’ose faire quiconque aime ferventement. Bien que cela ait été démontré dans nombre de nouvelles, néanmoins je crois que je vous le démontrerai bien plus encore par une que j’entends vous dire, et où vous entendrez parler d’une dame à qui la fortune fut d’autant plus favorable qu’elle avait montré peu de prudence ; et pour ce, je ne conseillerais à aucune de vous de marcher sur les traces de la dame dont je veux parler, attendu que la fortune n’est pas toujours favorablement dis-