la fatigue de leur petite promenade, ils se mirent à danser autour de la belle fontaine, tantôt aux sons de la cornemuse de Tindaro, tantôt aux sons d’autres instruments. La reine finit par ordonner à Philomène de dire une chanson, et Philomène commença ainsi :
Hélas ! que ma vie est malheureuse !
Me sera-t-il jamais possible de revenir
En l’état d’où m’arracha fâcheuse départie ?
Certes, je l’ignore, si grand est le désir
Qui me brûle la poitrine
De me retrouver en l’état où j’ai jadis été.
Ô cher bien, ô ma seule paix,
Toi qui m’étreins le cœur,
Dis-le moi, toi ; car le demander à autrui,
Je n’ose, et je ne sais du reste à qui.
Hélas ! mon Seigneur, hélas ! fais-le moi espérer,
Pour que je réconforte mon âme éperdue.
Je ne sais bien redire, quel fut le plaisir
Qui m’a si fort enflammée
Que, ni jour ni nuit, je ne puis trouver de repos ;
Pour ce que l’ouïr, le sentir et le voir
M’embrasent chacun d’un nouveau feu
Avec une force inaccoutumée,
Et que nul autre que toi ne peut réconforter
Ou faire revenir ma vertu effrayée.
Hélas ! dis-moi s’il doit arriver, — et quand cela sera —
Que je retrouve jamais le plaisir que j’éprouvai
Quand je baisai ces yeux qui m’ont fait mourir.
Dis-moi, mon cher bien, mon âme,
Quand tu reviendras,
Et, en me le disant vite, réconforte-moi un peu.
Que soit courte l’attente
De l’heure où tu viendras, puis que ton séjour soit long,
Pour que j’aie moins de regret qu’Amour m’ait ainsi blessée.
S’il advient jamais que je te possède encore,
Je ne crois pas que je serai aussi sotte
Que je fus quand je te laissai partir,
Je te retiendrai, et il en arrivera ce que pourra.
Et de ta douce bouche
Il faut que je satisfasse mon désir.
Je n’en veux pas dire davantage maintenant.
Donc, viens vite, viens m’embrasser ;
Rien que cette pensée à chanter m’invite.