Page:Boccace - Décaméron.djvu/529

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drino ; et, sans plus de retard, ayant arrêté entre eux ce qu’ils devaient faire, ils guettèrent, le lendemain matin, le moment où Calandrino sortait de chez lui. À peine ce dernier eut-il fait quelques pas, que Nello vint à sa rencontre et dit : « — Bonjour, Calandrino. — » Calandrino lui répondit que Dieu lui donnât bon jour et bon an. Après quoi, Nello l’ayant retenu quelque temps, se mit à le regarder au visage. Calandrino lui dit : « — Que regardes-tu ? — » Et Nello lui dit : « N’as-tu rien senti cette nuit ? Tu ne me sembles pas le même. — » Calandrino se mit aussitôt à douter et dit : « — Eh ! quoi ? Que te semble-t-il que j’aie ? — » Nello dit : « — Eh ! je ne le dis pas pour cela, mais tu me parais tout changé ; ce ne sera proverbialement rien. — » Et il le laissa aller.

« Calandrino, tout pensif, ne se sentant cependant pas le moindre malaise du monde, poursuivit son chemin. Mais Buffamalcco, qui se tenait non loin de là, voyant qu’il avait quitté Nello, vint à lui, et l’ayant salué, lui demanda s’il ne se sentait rien. Calandrino répondit : « — Je ne sais pas ; pourtant Nello me disait tout à l’heure que je lui paraissais tout changé ; serait-il possible que j’eusse quelque chose ? — » Buffamalcco dit : « — Tu pourrais bien avoir quelque chose en effet ; tu sembles à moitié mort. — » Calandrino croyait déjà avoir la fièvre, quand voici venir Bruno ; la première chose qu’il dit, fut : « — Calandrino, quelle figure est-ce là ? On dirait que tu es mort ; qu’éprouves-tu ? — » Calandrino, entendant chacun d’eux parler ainsi, tint en lui-même pour très sûr qu’il était malade, et, tout inquiet, il lui demanda : « — Que me faut-il faire ! — » Bruno dit : « — Je crois que tu dois t’en retourner chez toi, te mettre au lit et te bien couvrir ; tu enverras de ton urine à maître Simon, qui est, comme tu sais, notre ami dévoué. Il te dira tout de suite ce que tu auras à faire, nous irons auprès de toi, et s’il y a quelque chose à faire, nous le ferons. — »

« Sur ces entrefaites, Nello les ayant rejoints, ils s’en retournèrent avec Calandrino chez ce dernier, lequel, en entrant d’un air accablé dans la chambre, dit à sa femme : « — Viens et couvre-moi bien, car je me sens bien mal. — » S’étant donc couché, il envoya, par une petite servante, de son urine à maître Simon, dont la boutique était alors sur le Marché-Vieux, à l’enseigne du Melon. Bruno dit à ses compagnons : « — Vous, restez ici avec lui ; moi, je vais voir ce que dira le médecin et, s’il en est besoin, je l’amènerai ici. — » Calandrino dit alors : « — Eh ! oui, mon compagnon, va et tâche de me dire ce qu’il en est, car je me sens je ne sais quoi en dedans. — » Bruno, étant allé vers maître Simon, y arriva avant la petite servante qui por-