Page:Boccace - Décaméron.djvu/85

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désormais que je suis en vie, et d’où vous m’avez tiré, je crois que ce serait grande injure de ma part si je ne m’empressais de faire tout ce qui peut vous être agréable. Donc, contentez votre désir de m’accoler et me baiser, car moi, je vous accolerai et baiserai plus que volontiers. — » Après cela, plus n’était besoin de paroles. La dame toute allumée d’amoureux désirs, se jeta prestement dans ses bras, et après que mille fois, la serrant étroitement, il l’eût embrassée et eût été embrassé par elle, ils se levèrent de là, s’en allèrent dans la chambre et sans plus de retard, s’étant déshabillés, pleinement et à de nombreuses reprises, avant que le jour vînt, ils satisfirent leurs désirs.

« Mais dès que l’aurore vint à paraître, selon le bon plaisir de la dame, ils se levèrent, afin que cette aventure ne pût être soupçonnée par personne ; elle lui donna des vêtements en assez mauvais état et ayant rempli sa bourse d’argent, elle le pria de tenir tout ceci caché ; enfin, après lui avoir montré le chemin qu’il devait prendre pour retrouver son domestique, elle le fit sortir par la porte où il était entré. Le jour étant tout à fait revenu et les portes ayant été ouvertes, il entra dans Castel-Guiglielmo comme s’il arrivait de loin et retrouva son domestique. Pour quoi, ayant revêtu les habits qu’il avait dans sa valise, il se disposait à monter sur le cheval de son domestique, lorsqu’il advint, comme par miracle, que les trois brigands qui l’avaient volé la veille furent pris à la suite d’un nouveau méfait et conduits en cette ville. Sur leurs aveux, on lui restitua son cheval, ses vêtements et son argent. Il ne perdit pas autre chose qu’une paire de jarretières dont les brigands ne se rappelèrent pas ce qu’ils avaient fait. Pour quoi Renauld, rendant grâce à saint Julien, monta à cheval et retourna sain et sauf chez lui. Quant aux trois brigands, ils allèrent, dès le lendemain, battre l’air de leurs talons. — »



NOUVELLE III

Trois jeunes gens, ayant dissipé leur avoir, tombent dans la misère. Leur neveu, revenant désespéré chez lui, fait la rencontre d’un abbé qui se trouve être la fille du roi d’Angleterre, laquelle l’épouse, répare les pertes de ses oncles et les rétablit dans leur premier état.


Les dames écoutèrent avec admiration le récit des aventures de Renauld d’Asti, louèrent sa dévotion, et rendirent grâce à Dieu et à saint Julien, qui, au moment où il en avait le plus besoin, lui avaient porté secours. On n’en accusa