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Page:Boccace - Le Décaméron (Contes choisis), 1913.djvu/12

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À ceux qui lui conseillent le séjour du Parnasse et qui l’invitent à ne plus écrire pour plaire aux dames il réplique que les Muses ne sont pas restées étrangères à sa peine et qu’elles, l’ont secouru dans son humble besogne. « Bien est il vray, dit-il, qu’elles m’ayderent bien, et m’enseignèrent de les composer, voyre et par aduenture à escrire ces nouuelles. Et combien que ce soit chose très basse, si sont elles neant-moins venues plusieurs fois demourer auecques moy, pour le seruice par aduenture et en l’honneur de la ressemblance que les femmes ont à elles. Parquoy, en tissant ces choses cy, ie ne m’esloigne pas tant, comme plusieurs penseraient par aduenture, ne du mont de Parnasse, ne des muses. [1]»

Dans la «conclusion finale» du Décaméron, Boccace, anxieux de défendre son œuvre contre la rigueur des moralistes, fait une déclaration de principes. Il affirme le droit de la nouvelle à toutes les libertés et qu’il faut tenir un grand compte du temps et des lieux où les choses sont dites. Pour lui, il n’a eu en écrivant que deux soucis : distraire les dames et servir la beauté. On ne saurait mieux définir les droits de l’art qu’il ne le fait. Sa condamnation de la littérature utilitaire vaut pour tous les temps. Il n’a cherché ni de moraliser, ni de corrompre ; il a tâché d’amuser et d’émouvoir. Le bien et le mal sont dans la vie, or c’est la vie justement qu’il a tenté de fixer dans le cadre étroit de ses contes. Et Boccace, qui était un bonhomme plein de sens et de finesse, se résume ainsi : « Chascune chose en soy mesmes est bonne à quelque chose : et, quant elle est mal adaptée, elle peult estre nuysante en plusieurs. Ainsi dis ie de mes nouuelles. Qui vouldra tirer d’icelles mauuais conseil ou mauuaise operacion, elles ne le

  1. Le Dècamèron, 1. c.