Page:Bodin - Le Roman de l’avenir.djvu/396

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Voici ce que j’imprimais encore en 1832, en tête de mon petit roman magnétique :

« Il n’est pas du tout agréable de passer dans le monde pour s’occuper de magnétisme. Beaucoup de vos meilleurs amis vous considèrent alors avec une sorte d’inquiétude compatissante ; comme celle que nous inspirent les gens dont la tête n’est pas bien rassise. Je trouve cela tout naturel ; il y a quelques années que j’en usais ainsi avec les autres, et aujourd’hui, par la même raison, je suis presque honteux d’être signalé comme un adepte de Mesmer, de Puységur, et du bon M. Deleuze.

» Ne voyez-vous pas tout de suite les inconvéniens d’une réputation de ce genre ? En politique, cela vous classe infailliblement parmi les esprits faibles ; en philosophie, parmi les cerveaux creux ; en littérature, parmi les niais. Ainsi, par exemple, si jamais je trouve assez de confiance en moi-même pour ramasser dans mes paperasses de quoi remplir un ou deux in-octavo, et puis après cela que je m’avise, tout comme un autre, de me mettre sur les rangs pour l’Académie française, pensez-vous qu’une pareille note sur mon compte soit une bien bonne recommandation auprès de MM. les trente-neuf ? Supposez encore un député à nommer, et un candidat véhémentement suspect de magnétisme, comment l’accueilleront les électeurs avec un antécédent, ou, si vous voulez, un précédent semblable ? Je vois déjà venir toutes les railleries : Il veut magnétiser la Chambre, endormir l’Europe ; enfin, une nuée de traits qui tuent un candidat dans un chef-lieu d’arrondissement.

» Parbleu ! c’est une chose bien singulière ! Dans un temps où le magnétisme n’était pas encore publiquement constaté, alors que le charlatanisme se chargeait de l’exploiter en grande partie et que le mystère ajoutait à son merveilleux, il était du bon ton de s’en mêler, et chacun, sans risquer sa réputation, pouvait y croire tout à son aise. On croyait à cela et à bien d’autres choses. Je me souviens d’un vieux brave homme, ancien capitaine de dragons, qui, au retour de l’émigration, avait conservé, comme une sorte de bagage de