être ennemi juré des femmes, auxquelles il pensait le moins quand il en écrivait, comme très bien a montré le sage Rabin Maymon. Or nous laisserons aux Philosophes et Théologiens le discours moral, et prendrons ce qui est politique, pour le regard de la puissance du mari sur la femme, qui est la source et origine de toute société humaine. Quand je dis la femme, j’entends celle qui est légitime et propre au mari non pas la concubine, qui n’est point en la puissance du concubin : encore que la loi des Romains appelle mariage, et non pas concubinage, si la concubine est franche et libre : ce que tous les peuples ont regretté à bon droit, comme chose déshonnête, et de mauvais exemple. Aussi nous n’entendons pas que la fiancée soit sujette au fiancé, ni tenue de le suivre : et ne peut le fiancé mettre sur elle, ce qui est permis au mari de droit civil et canon. Et si le fiancé avait usé de main mise, et ravi la fiancée, il doit être puni capitalement en termes de droit. Et ores que le consentement des parties y soit, voire contrat passé par parole de présent, ce que la loi appelle mariage : si est-ce que toutefois que la droite puissance maritale n’est point acquise si la femme n’a suivi le mari : vu que la plupart des canonistes et théologiens, qui s’en font croire en cette matière, ont tenu qu’il n’y a point de mariage entre l’homme et la femme, s’il ne est consommé de fait, ce que nos coutumes ont disertement articulé, quand il est question des profits du mariage et de la communauté. Mais depuis que le mariage est consommé, la femme est sous la puissance du mari, si le mari n’est esclave ou enfant de famille : auquel cas ni l’esclave, ni l’enfant de famille, n’ont aucun commandement sur leurs femmes, et moins encore sur leurs enfants qui demeurent toujours sous la puissance de l’aïeul, encore qu’il ait émancipé son fils marié. Et la raison est par ce que le ménage ne souffre qu’un chef, qu’un maître, qu’un seigneur : autrement s’il y avait plusieurs chefs, les commandements seraient contraires, et la famille en trouble perpétuel. Et par ainsi la femme de condition libre, se mariant à l’enfant de famille, est sous la puissance du beau-père : aussi bien que l’homme libre se mariant à la fille de famille est en la puissance d’autrui, s’il va demeurer en la maison du beau-père : bien que en toute autre chose il jouisse de ses droits et libertés. Mais il y a peu d’apparence que les lois Romaines veulent que la fille mariée, et menée en la maison du mari, si elle n’est émancipée du père, ne soit point sujette au mari, ains au père. Qui est contre la loi de nature, qui veut que chacun soit maître en sa maison, comme dit Homère, afin qu’il puisse donner loi à sa famille : aussi est-ce contre la loi de Dieu, qui veut que la femme laisse père et mère pour suivre le mari : et donne puissance au mari des vœux de la femme. Aussi les lois Romaines n’ont aucun lieu pour ce regard, et moins en ce Royaume qu’en lieu du monde : car la coutume générale exempte la femme mariée de la puissance du père : qui était semblable en Lacédémone, comme dit Plutarque aux Laconiques, où la femme
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