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Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/36

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mariée parle ainsi, Quand j’étais fille je faisais les commandements de mon père : mais puisque je suis mariée, c’est au mari à qui je dois l’obéissance. Autrement la femme foulerait aux pieds les commandements du mari, et le quitterait quand bon lui semblerait, prenant le père à garant. Les interprètes excusant les lois Romaines y ont ajouté plusieurs exceptions, encore qu’elle ne fût émancipée du père. Mais hors la puissance paternelle, toutes les lois divines et humaines sont d’accord en ce point là, que la femme doit obéissance aux commandements du mari, s’ils ne sont illicites. Il n’y a qu’un docteur Italien, qui a tenu que la femme n’est point en la puissance du mari : mais tout ainsi qu’il n’a ni autorité, ni raison de son dire, aussi n’y a-t-il personne qui l’ait suivi. Car il est tout certain que par la loi de Romule, non seulement le mari avait tout commandement sur la femme, ains aussi, pouvoir de la faire mourir, sans forme, ni figure de procès en quatre cas, c’est à savoir pour adultère, pour avoir supposé un enfant, pour avoir de fausses clefs, et bu du vin. Peu à peu la rigueur des lois et coutumes fût modérée, et la peine de l’adultère permis à la discrétion des parents de la femme : ce qui fût renouvelé, et pratiqué au temps de Tibère l’Empereur : parce que le mari répudiant la femme pour adultère, ou se voyant atteint de même crime, le cas demeurait impuni, au grand déshonneur des parents, qui bien souvent faisaient mourir ou bannissaient la femme. Et combien que la puissance des maris se diminua bien fort : si est-ce néanmoins par la harangue que Marc Caton le censeur fît au peuple pour la défense de la loi Oppia, qui retranchait aux femmes les habits de couleur, et défendait de porter plus d’une once d’or, il appert que les femmes étaient toute leur vie en la tutelle de leurs pères, frères, maris, et parents de sorte qu’elles ne pouvaient contracter, ni faire aucun acte légitime, sans l’autorité, et volonté d’iceux. Caton vivait environ l’an D.L. après la loi de Romulus. Et deux cents ans après Ulpian jurisconsulte dit, qu’on donne tuteurs aux femmes, et aux pupilles : et quand elles étaient mariées, qu’elles étaient in manu viri, c’est à dire en la puissance du mari. Et si on dit qu’il a divisé le titre des personnes, quæ sunt in potestate, d’avec celles quæ sunt in manu, cela ne conclut pas, que la femme ne fût en la puissance du mari : car cela s’est fait pour montrer la différence du pouvoir que le mari a sur la femme, et le père sur les enfants, et le Seigneur sur les esclaves. Et qui doute que ce mot, manus, ne signifie pouvoir, autorité, puissance : les Hébrieux, Grecs, et Latins en ont toujours ainsi usé, quand ils disent la main du Roy, et in manum hostium venire. Et même Feste Pompe parlant du mari qui prend femme, dit mancipare, qui est un mot propre aux esclaves. Duquel mot usent plusieurs coutumes de ce Royaume, où il est question d’émanciper les femmes. Et pour montrer que la puissance des maris sur les femmes, a été généra-