Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/38

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l’homme. Ès autres crimes qui touchent plus le mari que le public, et qui ne méritent point la mort, tous sont d’accord que le mari a puissance de châtier modérément la femme. Et affin que les maris n’abusassent de la puissance que la loi leur donnait sur les femmes, elles avaient contre les maris action en cas de mauvais traitement, ou de mauvaises mœurs, que depuis Justinian ôta : ordonnant quelques peines civiles et pécuniaires à prendre sur les droits des conventions matrimoniales à celui qui aurait donné cause de séparation. Qui sont principalement fondées sur l’adultère, et l’empoisonnement essayé, et n’ayant sorti effet. Mais nonobstant l’ordonnance de Justinian, il est permis à la femme injuriée, et traitée indignement par son mari, demander séparation : toutefois on ne doit permettre l’action d’injures entre mari et femme, (comme quelques uns ont voulu) pour l’honneur et dignité du mariage, que la loi a tant estimé, qu’elle ne veut pas que le mari ni même un tiers, puisse avoir action de larcin contre la femme, encore qu’elle eût expilé tous les meubles du mari. Mais d’autant qu’il n’y a point d’amour plus grand que celui du mariage, comme dit Artemidore, aussi la haine y est la plus capitale, si une fois elle prend racine. Et pour cette cause la loi de Dieu, touchant les séparations, qui depuis fut commune à tous les peuples, et est encore à présent usitée en Afrique, et en tout l’Orient, permettait au mari de répudier sa femme, si elle ne lui plaisait, à la charge qu’il ne pourrait jamais la reprendre, mais bien se remarier à une autre. Qui était un moyen pour tenir en cervelle les femmes superbes : et aux fâcheux maris de ne trouver pas aisément femme, si on connaissait qu’ils eussent répudié la leur sans juste cause. Et si on dit qu’il n’y a point d’apparence de répudier sa femme sans juste cause : je me rapporterais à l’usage commun : mais il n’y a rien de plus pernicieux, que contraindre les parties de vivre ensemble, s’ils ne disent la cause de la séparation qu’ils demandent, et qu’elle soit bien vérifiée : car en ce faisant, l’honneur des parties est au hasard, qui serait couvert, quand la séparation ne porterait point de cause : comme faisaient anciennement, et font encore à présent les Hébrieux, ainsi qu’on peut voir en leurs pandectes, et mêmement du jurisconsulte Moyse Cotsi, au chapitre du retranchement (ils appellent ainsi la répudiation) où il met l’acte de répudiation que le rabin Jeiel Parisien, lors que les juifs demeuraient en Paris, envoya à sa femme le mardi XXIX. octobre, l’an de la création du monde cinq mil dix huit : où l’acte ne porte aucune cause de répudiation. J’en trouve une autre en l’épitomé des pandectes Hébraïques, recueillie par le jurisconsulte Moyse de Maymon, au titre des femmes chap. III. qui fut fait en Caldée, où le juge des lieux, ayant vu la procuration spéciale, et l’acte de celui qui avait répudié sa femme en présence de trois témoins, ajoute ces mots, qu’il l’a répudié purement et simplement et sans y ajouter cause, lui permettant de se remarier à
 qui bon lui semblerait, et le juge en décerne acte aux parties. En quoi