Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/39

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faisant, la femme n’est point déshonorée, et peut trouver autre parti sortable à sa qualité. Et de fait anciennement les Romains ne mettaient aucune cause, comme on peut voir quand Paul Æmyl répudia sa femme, qu’il confessait être fort sage et honnête, et de maison fort noble, et de laquelle il avait plusieurs beaux enfants. Et lors que les parents de la femme s’en plaignirent à lui, voulant savoir la cause, il leur montra son soulier, qui était beau, et bien fait, mais qu’il n’y avait que lui qui sentit l’endroit où il blessait. Et si la cause ne semble suffisante au juge, ou qu’elle ne soit bien vérifiée, il faut que les parties vivent ensemble, ayant à tout heure l’un et l’autre objet de son mal devant les yeux. Cela fait que se voyant réduits en extrême servitude, crainte et discorde perpétuelle, les adultères, et bien souvent les meurtres, et empoisonnements s’en ensuivent, et qui sont pour la plupart inconnus aux hommes : comme il fut découvert en Rome, auparavant que la coûtume fut pratiquée de répudier sa femme (car le premier fut Spurius Carnilius, environ cinq cents ans après la fondation de Rome) une femme étant surprise, et condamnée d’avoir empoisonné son mari, elle en accusa d’autres, qui par compagnie et communication entre elles en accusèrent jusqu’à soixante et dix de même crime, qui furent toute exécutées. Chose qui est encore plus à craindre où il n’y a aucun moyen de répudier l’un l’autre. Car les Empereurs Romains ayant voulu ôter la facilité des répudiations, et corriger l’ancienne coûtume, n’ont ordonné autre peine que la perte des conventions matrimoniales, à celui qui serait cause du divorce : encore Anastase permit la séparation du consentement des deux parties sans peine : ce que Justinien a défendu. Chacun peut juger en soi-même, si l’un est plus expédient que l’autre. Mais quelque changement et variété de lois qui puisse être, il n’y a jamais eu loi ni coûtume, qui ait exempté la femme de l’obéissance, et non seulement de l’obéissance, ains aussi de la révérence qu’elle doit au mari, et telle que la loi ne permettait pas à la femme d’appeler le mari en jugement sans permission du magistrat. Or tout ainsi qu’il n’y a rien plus grand en ce monde, comme dit Euripide ni plus nécessaire pour la conservation des Républiques que l’obéissance de la femme au mari : aussi le mari ne doit pas sous ombre de la puissance maritale faire une esclave de sa femme : combien que Marc Varron veut que les esclaves soient plutôt corrigés de paroles que de batures, à plus fortes raison la femme, que la loi appelle compagne de la maison divine et humaine : comme nous montre assez 
Homère introduisant Jupiter qui reprend sa femme, et la voyant rebelle use de menaces, et ne passe point outre. Et même Caton qu’on disait être l’ennemi juré des femmes ne frappa jamais la sienne, tenant cela pour sacrilège : mais bien savait-il garder le rang et la dignité maritale, qui retient la femme en obéissance : ce que ne fera jamais celui qui de maître s’est fait compagnon, puis serviteur, et de serviteur esclave :