Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/772

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ferents : car leftat peut eftre populaire, & le gouuernemét Ariftocrati-
que : comme il eftoit en Rome après que les Roys furet chaflez, le peu¬
ple auoit bien la puiffance fouueraine : mais tous les magiftrats, digni-
tez benefices, &commiflions honnorables n eftoyent donnez finon à
la noblefle, & les nobles n eftoyent mariez finô aux noblesses roturiers
àleurs femblables : & les voix plus dignes, & plus efficaces eftoyentdes
grands feigneurs, ôc des riches, mais d’autant quelegouuernemcntc-
lloit purement Ariftocratique, le peuple ( qui eftoit fouuerain) en fut
bien toft las, &ne cefla iufques à ce que petit à petit le menu peuple
n’euft part aux plus grands honeurs, & benefices, ôc qu’il nc fuft permis
aux nobles, ôc roturiers desallier enfemble par mariages. & tandis que
ce gouuernement Harmonique, c’eft à dire entremeflé dc l’eftat Arifto¬
cratique, ôc Populaire dura, la Republique fleurifloit en armes, & en
loix : depuis que le gouuernemét du tout populaire le gaigna, par l’am¬
bition des Tnbuns, come le contrepoix d vne balance, ttop forte d’vn
cofté donna contre terre, ou comme l’harmonie melodieufc eftant di£
folue, & les nombres Harmoniques alterez en nombres de proportion
efgale en tout, & par tou t, ils’en enfuiuit vn difeord bien fort grand en¬
tre les citoyens, qui continua iufques à cc que l’eftat fuft changé. Ainfi
pouuons nous iuger de toutes Republiques : ôc n auons point dc meil¬
leur exemple, que des eftatspopulaires des feigneurs des ligues : car plus
ils font gouuernez populairement, ôc plus ils font difficiles a entretenir : 
comme les cantons de la montaignc, & des Grizons : mais les cantons de
Berne, Bafle, Siirich, qui font gouuernez plus feigneurialement, ôc qui
retiennent ce moyen Harmonique entre le gouuernement Ariftocra¬
tique ôc Populaire, font beaucoup plus doux, plus traitables, & plus af-
L’eftat feurez en grandeur, puiflance, armes, Ôc loix. Or tout ainfi que l’eftat
Royal gou— Ariftocratique eft fondé en proportion Geometrique, eftant gouucr-
uerné Har— né Ariftocratiquement : c’eft à fçauoir qui donne aux nobles, & aux ri-
monique— ches les eftats, &honneurs : ne laiflant rien aux pauures que la fugetion, 
ment eft le &obeiffance : & au contraire l’eftat Populaire gouuemé populairement
plus feur ôc Repart ^cs deniers, les dépouillés, les conqueftes, les offices, honneurs, &
le plus beau benefices également jfans diferetion du grand au petit, du noble au ro-
turier : auffileftat Royal eft parconfequencc neceffaire proportionné
aux raifons Harmoniques : &s il eft gouuerne, & conduit Royalement
c eft à dire Harmoniqueroentjon peut afleurer que c eft le plus beau, le
plusheureux, & le plus parfait dc tous.le ncparle^point delà monarchie
feigneuriale, quand le monarque tient comme feigneur naturel, tous les
fugets comme efclaues, ôc difpofe de leurs biens comme a luy aparté-
nans & moins encores de la monarchie tyrannique, quand le monarque
n eftant point feigneur naturel, abufe neantmoins des fugets, ôc de leurs
biens à fon plaifir, comme s’ils eftoyent efclaues, & pis encores, quand
il les fait feruir à fes cruautez. mais ic parle du Roy légitime, foicquilvienne