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Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/771

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Comme la loy des successions, qui adjuge tout à l’aisné soit noble ou roturier, ainsi qu’il se fait au pays de Caux, & se faisoit par la Loy de Lycurgue, touchant les sept mil portions d’heritages affectees aux naturels Spartiates, est injuste. Aussi est la loy inique, qui adjuge tout à l’aisné noble, & le tiers, ou le quint à viage aux puisnez masles, & en propriété aux filles. & n’est pas gueres moins inique la coustume d’Almaigne, &’Italie, qui fuit toutesfois le droit comun, faifât aifnez, & puifnez, efgaux en
fucceflîo, felô la proportion Arithmétique, fans aucune diftin&ion des La loy de
perfonnes.mais laloy de Dieu a retenuPvn, & ; l’autre, donantaux maf— Dieu tiét la
les la fucceflion des immeubles, & aux filles quelques meubles pourles proportion
marier : affin que les maifons 11e fuflent demembrees par elles •. ôc entre Harmoni-
les mafles a donné deux portions à l’aifiné. en quoy on peut voir la pro— que.
portion Geometrique entre les puifnez, & Paifné, & entre les filles, & les
puifnez. & Pequalité entre tous les puifnez, & la mefme equalité entre
les filles.Quj nous eft vn trefcertain argument, que la vraye iuftice, & le
gouuernement le plus beau, eft celuy qui s’entretient par proportion
Harmonique. Et combien que l’eftat populaire ambrafle plus les loix
e{gales, & la iuftice Amhmetique : &au contraire l’eftat Ariftocratique
retient plus la proportion Geometrique : fi eft-ce que IVn & l’autre eft
contraint d’entremeflerla proportion Harmonique, pour fa conferua¬
tion.autrement fi la feigneurie Ariftocratique regettele menu peuple
loing de tous eftats, offices, ôcdignitez, ne luy faifant aucune part de la
dépouillé des ennemis, ny des pays conqueftez fur eux, il ne fe peut fai¬
re que le menu peuple, pour peu qu’il foit aguerri, ou que Poccafion fe
prefente, qu’il nefe reuolte, ôc change leftat, comme i’ay monftrécy
deuant, par plufieurs exemples. C’eft pourquoy la feigneurie de Venife
quieft vne vraye Ariftocratie s’il en fut onques, fe gouuerne Ariftocra-
tiquement, diftribuant les grands honneurs, dignitez, benefices, & ma¬
giftrats aux gentils-hommes Venitiens : ôc les menus offices où il n y a
point depuiflanceau menu peuple, fuiuant laproportion Géométri¬
que, des grands aux grands, & des petits aux petits : Et neantmoins pour
contenterle menu peuplera feigneurie luy alaifle Peftat de Chancelier, 
qui eft des plus dignes, & des plus honnorables, ioint aufli qu’il eftper— L’eftat de
petuel : & en outre les offices des fecretaires d’eftat, qui font bien fort Venize eft
honnorables.&au furplus Piniurc faite au moindre habitant par les gen— Ariftocra-
tils-hommes Venitiens eft puni, &chaftié : & vne grande douceur, &li^ tique, ôc le
berté de vie donnee à tous, qui reflent plus fa liberté populaire, que le gouuerne-
gouuernement Ariftocratique.ôc qui plus eft la creatiô des magiftrats, ment Har-
fefait par chois, ôc par fort, Pvn propre au gouuernement Ariftocrati— monique.
que, l’autre à l’éftat populaire : fi bien qu’on peut dire que Peftat eft A-
nftoçratiqüe, & : conduit par proportion Harmonique : qui a rendu ce-
fteRepubliquelà fortbelle &floriffante. Nous avons monstré cy devant que l’estat d’une Republique & le gouvernement d’icelle sont dif-